Pourquoi tant d'arrogance ? | |||||||||
La réaction démesurée d'Israël à l'enlèvement d'un caporal par un groupement armé palestinien ne peut s'expliquer que par l'insolence d'un pays grisé par sa force, estime le site Amin. | |||||||||
Les Israéliens (le peuple, le gouvernement, comme l'armée) n'en font qu'à leur tête et peuvent faire ce qu'ils veulent avec les populations des Territoires qu'ils occupent. Quoique ! Sur une infime question, ils ne peuvent imposer leurs quatre volontés aux Palestiniens, à savoir les obliger à faire la paix sans leur rendre leurs terres. Même sur ce sujet apparemment insignifiant – du point de vue israélien –, la cause semble entendue : le nouveau gouvernement israélien est intimement convaincu qu'il n'a pas besoin des Palestiniens pour faire la paix. Le compromis historique (deux Etats séparés par la frontière de 1967) que les Palestiniens sont disposés à accepter paraît finalement inacceptable pour le Premier ministre, Ehoud Olmert, et pour la majorité des Israéliens qui a voté pour lui. Les Israéliens ont décidé de renoncer à quelques terres (Gaza et une partie de la Cisjordanie, à l'exclusion de Jérusalem et de la vallée du Jourdain) et ils pensent que tout sera pour le mieux dans le meilleur des mondes. Mais il y a un grain de sable dans ce scénario apparemment bien ordonné. L'autre camp, c'est-à-dire les Palestiniens, refuse de se soumettre. Au milieu de ce débat interne (les Israéliens ne négociant qu'entre eux), voilà qu'il y a un hic. Un groupe de scélérats a osé défier la puissante machine israélienne, mener une opération militaire et capturer un soldat israélien. Et quoique, dans cette circonstance, deux autres soldats aient été tués, ainsi que deux Palestiniens, le fait que des Palestiniens se soient emparés d'un soldat vivant a empêché Israël de dormir. Tout d'un coup, ce puissant pays avec sa puissante armée, ses services de renseignements efficaces et sa longue liste d'amis veut obtenir quelque chose des Palestiniens. Non pas qu'il soit prêt à négocier pour cela. La question d'un échange de prisonniers (selon Israël, il s'agit d'un Israélien enlevé, et non d'un prisonnier de guerre, tout comme les 10 000 Palestiniens croupissant dans ses prisons ne le sont pas) ne se pose pas. L'Etat hébreu a réagi en mettant en branle sa puissante machine militaire, sans plan précis, avec pour seul objectif de semer la destruction et la désolation. Son raisonnement revient à masser les chars aux frontières de Gaza ; détruire quelques ponts, mettre hors service la centrale électrique : peser de tout son poids politique pour obtenir des Américains et des Egyptiens qu'ils fassent pression sur les Palestiniens ; menacer la vie du gouvernement et du président palestiniens ; voire enlever des dizaines d'élus palestiniens et espérer que ce rouleau compresseur donnera le résultat attendu : la libération du caporal israélien. Si jamais il existe une occasion pour Israël d'engager des discussions sérieuses avec les Palestiniens sur quelque chose d'aussi simple qu'un cessez-le-feu, c'est bien celle-ci. Mais, à cause de l'arrogance que confère la puissance et en raison de l'idée que de telles tractations affaibliraient le pouvoir de dissuasion d'Israël, le sang coule de plus belle et le cycle de violence se poursuit indéfiniment. Par le passé, les Israéliens ont toujours refusé de discuter avec ceux qu'ils appellent les "terroristes", de manière à ne pas leur octroyer une quelconque légitimité. Dans le cas présent, ils n'ont pas le droit d'employer le terme "terrorisme" pour décrire une opération purement militaire qui visait un site militaire. L'arrogance aveugle souvent les militaires et même les politiques, les empêchant de comprendre que, de l'autre côté de la frontière, il existe également une nation avec ses aspirations à mener une vie normale, avec son espoir de voir ses prisonniers libérés, l'injuste siège levé et ses terres rendues. Si ce déséquilibre entre Israéliens et Palestiniens continue de bloquer toute perspective d'accord négocié, parfois de simples actions comme cette dernière opération militaire palestinienne de Karm Abou Salem [Kerem Shalom] peut rappeler cette notion fondamentale : une nation qui se laisse griser par sa puissance risque de trébucher sur une toute petite pierre. | |||||||||
Daoud Kuttab Amin (Ramallah) |