n quarante-huit heures, mercredi 13 et jeudi 14 décembre, trois procès concernant des refus de fournir des empreintes génétiques ont eu lieu. Ainsi, mercredi, le procureur général de la cour d'appel de Grenoble a requis trois mois de prison ferme contre Alain Meunier, 48 ans, militant associatif qui refusait de se soumettre à un prélèvement d'ADN après avoir été dénoncé pour avoir fait pousser du cannabis dans son jardin. M. Meunier avait été condamné à 1 000 euros d'amende en première instance.
Depuis la loi Sarkozy sur la sécurité intérieure de 2003, une centaine de délits obligent à se soumettre au prélèvement génétique. Limitée, à l'origine, aux infractions sexuelles, la législation concerne aujourd'hui les meurtres et les cambriolages, les vols simples, les tags ou les dégradations. Même les participants des manifestations anti-CPE, au mois de mars et d'avril, condamnés pour rébellion ou outrage sont concernés. Depuis l'entrée en vigueur de ces dispositions, le fichier national automatisé des empreintes génétiques (Fnaeg) explose. De 2003 à 2006, le nombre de profils enregistrés est passé de 2 807 à plus de 330 000. Bien que ce système ait permis d'élucider plus de 5 000 affaires, ceux qui s'opposent aux prélèvements dénoncent l'instauration d'un "répertoire de masse". "Cela revient à considérer une catégorie de population comme présumée coupable", dénonce Benjamin Deceuninck, fondateur du collectif Refus ADN. Condamné à un mois de prison avec sursis en 2005 pour le fauchage d'un champ de betteraves transgéniques, il refuse depuis obstinément de se soumettre au prélèvement. Avec son collectif, il multiplie les tracts, les comités de soutien et les conférences sur ce qu'il considère comme l'essor de la société de "Big Brother". Depuis que M. Deceuninck a créé son association au mois de juin, il a recensé environ 150 personnes ayant refusé le prélèvement d'ADN. C'est peu en comparaison des 500 000 gardes à vue comptabilisées en 2005. "L'immense majorité des gens accepte le prélèvement sans broncher. Les refus sont cantonnés à une certaine élite intellectuelle", note François Sottet, magistrat au parquet de Paris. Mais ces cas de refus embarrassent le ministère public. "C'est l'éternel débat entre la défense des libertés individuelles et l'efficacité judiciaire", considère M. Sottet. "Et il y a effectivement un malaise", ajoute-t-il. "DÉLIT CONTINU" Le malaise est d'autant plus grand que ceux qui refusent le prélèvement, même une fois condamnés, se retrouvent de facto susceptibles d'être à nouveau convoqués. Ils sont alors en situation de "délit continu" avec des peines pouvant s'alourdir indéfiniment. "Il y a une loi, il faut l'appliquer, persiste le commissaire Philippe Mallet, chef du service central de la police technique et scientifique. Ce n'est pas un fichier pour répertorier les antécédents mais pour l'identification", martèle-t-il. Selon lui : "Il n'y a pas de petite affaire."
Elise Vincent Article paru dans l'édition du 19.12.06. Abonnez-vous au journal : 15€/mois |
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